INTERVIEW de Coralie Boussard (Psychosociologue) et Virginie Grenier (Formatrice en sciences de l’éducation).

Coralie Boussard (Psychosociologue)

Virginie Grenier (Formatrice en sciences de l’éducation)
Educatrices spécialisées de formation initiale, nous avons découvert les approches d’Haim OMER en travaillant au sein d’un dispositif dont la mission principale est d’apporter un appui aux enseignants qui rencontrent des difficultés avec des élèves à besoins particuliers.
Nous nous sommes rendues-compte que ce qui mettait le plus à mal les équipes, était la question de l’autorité :
- Comment faire quand je suis face à un groupe et qu’un enfant ne m’écoute pas voire contredit mon autorité ?
- Comment gérer des comportements éruptifs, oppositionnels ?
Les ouvrages d’Haïm OMER nous sont alors apparus comme une réponse possible à ce que vivait les professionnels sur le terrain. Nous nous sommes rapidement formées à cette méthode pour aller plus loin avec les équipes que nous accompagnions.
Nous nous sommes également aperçues que la question de l’autorité était transversale, ainsi que nous soyons éducateurs, enseignants ou parents, nous sommes tous traversés par des doutes similaires.
La RNV et la Nouvelle Autorité sont déjà très développées dans certains pays européens comme la Belgique, le Royaume-Uni, par exemple, mais encore très peu en France. C’est pour cette raison que nous souhaitons aujourd’hui partager cette approche auprès de tous les professionnels qui se sentiraient concernés par ces questions.
Nous pouvons vous accompagner sous plusieurs formats :
- Sensibilisation d’une journée : pour découvrir l’approche.
- Formation de 3 jours pour découvrir la méthode et expérimenter des postures.
- Supervision des équipes (à la suite de la formation de 3 jour) : pour poursuivre le travail relatif à la Résistance Non Violente et ancrer plus durablement de nouvelles pratiques.
Nous sommes co-présidentes de l’association INAF dont le but est de promouvoir l’approche de la RNV et de la NA en France. Cette association a été créée par plusieurs professionnels exerçant un peu partout en France et en Belgique. Nos actions consistent à aiguiller et former des familles et/ou des professionnels qui seraient intéressés par l’approche et qui rencontrent des difficultés avec certains comportements d’enfants (comportements violents, menaces de suicide, fugues, crises, anxiété généralisée…) grâce à des actions d’information, de formation ou d’accompagnement par des professionnels formés.
Comment faire autorité aujourd’hui ?
Voici une question au bord des lèvres de beaucoup de parents ou de professionnels de l’enfance. On peut parfois se sentir de plus en plus démunis face à ces « nouveaux enfants » !
Par ailleurs, on entend régulièrement que « les enfants ont changé et qu’ils ne nous écoutent plus », etc., Comme une fatalité, contre laquelle on ne peut rien.
« Avant, les parents étaient des parents, on respectait les enseignants parce qu’ils avaient le statut « d’enseignant, aujourd’hui plus personne ne s’en préoccupe ! ».
L’autorité traditionnelle, empreinte d’une certaine verticalité, d’une soumission forte à la voix de l’adulte par l’usage de la peur, voire de la force physique, est aujourd’hui fortement ébranlée et remise en cause. Néanmoins, la réponse douce et permissive aux comportements agressifs et autodestructeurs de ces enfants ne convainc pas non plus, amenant l’adulte à se soumettre aux exigences de l’enfant, qui ne font qu’augmenter au fil du temps.

Dans les deux cas, l’enseignant, l’éducateur ou le parent a le sentiment d’une autorité bafouée, accentuant ses doutes dans la posture à avoir envers l’enfant et qui le met en situation de « réagir » et non plus « d’agir ».
Alors que faire entre toutes ces injonctions contradictoires ? Nous sommes sans doute, la première génération à nous poser toutes ces questions sans pour autant trouver de réponse cohérente.
Pas facile d’être enfant aujourd’hui…Mais pas facile non plus, d’être un adulte..!
Comment construire un cadre cohérent qui conviennent aux adultes et aux enfants ?
Comment retrouver du pouvoir d’agir sur des comportements qui nous démunissent ?
Comment se déculpabiliser ?
Peut-être que ces quelques exemples vous parleront :
« Anthony est un adolescent de 13 ans placé depuis 5 ans à la MECS du Soleil. Depuis plusieurs semaines, il répond et m’insulte régulièrement ainsi que mes collègues, à la moindre contrariété. Il menace verbalement l’adulte et cela en présence d’autres jeunes qui regardent la scène… Comment reprendre avec les autres jeunes et Anthony sans me sentir attaquer dans mon positionnement ?
Je me sens souvent impuissant, surtout le soir au moment du coucher, ce sont souvent des moments anxiogènes pour Anthony, et je crains de déclencher une nouvelle crise, voire des comportements violents de sa part. Avec l’équipe, on ne sait plus trop comment agir avec lui… » _ (Julie, éducatrice spécialisée).
« Anaé est en classe de CE2 à l’élémentaire les Pâquerettes. Son enseignante est en difficulté avec elle, elle n’écoute jamais et provoque régulièrement les adultes. Elle est suivie actuellement au CMP et un diagnostic est en cours pour un TOP (Trouble Oppositionnel de la Provocation). Hier, lors de la sortie à la bibliothèque municipale, Anaé n’a pas voulu ranger les livres qu’elle avait pris et a même jeté plusieurs livres dans la salle, au moment où l’enseignante lui a rappelé pour la deuxième fois la règle.
L’enseignante finit par s’énerver suite à ce comportement provocateur mais Anaé ne se calme toujours pas… L’enseignante ne sait plus quoi faire ».
- « Adrien a 16 ans. Il s’isole de plus en plus dans sa chambre et communique de moins en moins avec ses parents. Ces derniers sont de plus en plus inquiets, surtout vis-à-vis de ses fréquentations. Dès qu’ils essaient d’ouvrir le dialogue ils se font rejeter par leur fils, qui se ferme totalement. Ils ne parviennent plus à rentrer dans sa chambre. Ils se sentent honteux et n’osent pas parler à leurs proches de ce qui se passe à la maison… Ils n’ont plus de « prise » sur le comportement d’Adrien et se sentent « effacés » de sa vie. Ils se sentent très démunis et ne savent plus par où commencer».
En tant qu’éducateurs, enseignants ou parents, certains comportements d’enfants, caractérisés par des crises de colère émotionnelle débordantes ou par une tendance à s’isoler, rompant toute communication avec les adultes, amènent ces derniers à ressentir un sentiment d’impuissance et parfois « à baisser les bras ».
Il est fréquent aujourd’hui de constater, que ce soient dans les sphères professionnelles ou personnelles, un certain désarroi quand il s’agit d’aborder la question de « l’autorité ». Ce sentiment d’impuissance provoque souvent de la honte :
« Pourquoi je n’arrive pas à calmer cet enfant, pourtant il n’a que 3 ans ?»
« Pourquoi, moi, je n’ai aucune prise sur lui ?»
« Suis-je un mauvais éducateur ?»
« Suis-je un mauvais parent ?»
Cette honte peut venir nous isoler et renforcer encore plus notre sentiment d’impuissance. S’installe alors un cercle vicieux qui se referme sur nous-même. Comment accompagner ces adultes à retrouver confiance dans leurs postures d’autorité ? A agir contre l’effacement de leur autorité, qui s’est installée au fur et à mesure ? Comment les aider à retrouver de la visibilité ?
Les concepts de « la nouvelle autorité » et de la “résistance non violente » développés par le psychologue Haïm Omer, peuvent être appréhendés comme une nouvelle boussole permettant de sortir de ce dilemme et qui serait en adéquation avec nos valeurs.
- Comment faire pour changer la dynamique, lorsque nous n’avons pas l’adhésion des parties concernées ? (À savoir ici « les enfants » qui ne souhaitent pas nécessairement que les choses changent).
C’est pour cette raison qu’Haïm OMER s’est appuyée sur l’approche sociopolitique de la résistance non violente incarnée par Gandhi ou encore Martin Luther King.
En transposant cette doctrine du champ de la lutte politique à celui de la thérapie familiale, Haïm Omer ouvre la voie d’un nouveau dénominateur commun entre les enseignants, les éducateurs et les parents. Il vise la remobilisation de leur pouvoir d’agir ainsi que la restauration de l’estime d’eux-mêmes à travers de nouveaux moyens d’action face aux comportements problématiques, déconcertants et parfois violents des enfants que nous accompagnons.
L’approche de la Nouvelle Autorité permet aux personnes qui se sentent concernées de trouver des outils concrets pour réaffirmer leur présence. Les outils de la RNV, nous donnent des clefs précieuses pour restaurer notre autorité et nous aider à persister au quotidien.