Sd formation promeut la recherche

SD Formation s’engage aussi dans la recherche et vous propose de lire l’interview réalisé par Stéphane DELANNES (directeur de SD Formation) auprès de J. Lahaye Cauchy (Doctorant en psychologie et psychologue clinicien. Spécialisation violences intrafamiliales, violences conjugales et violences sexuelles.) sur le sujet suivant :

Séparation parentale, Conflit et Violence
Quels liens avec les relations d’attachement à l’âge adulte ?


INTERVIEW de Julien LAHAYE-CAUCHY,
Doctorant en Psychologie – Psychologue clinicien

Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser à la théorie de l’attachement et à mener cette recherche en particulier ?

J’ai découvert la théorie de l’attachement à la fin de ma Licence, trouvant qu’elle contrastait avec les enseignements psychanalytiques reçus jusque-là. Les relations d’attachement sont intéressantes parce qu’elles jouent un rôle dans de nombreuses sphères du développement de l’enfant, mais c’est leur intrication avec la question des violences intrafamiliales qui m’a intéressé tout particulièrement. Nous connaissons l’impact direct d’un environnement familial nocif dans l’enfance, mais une question reste encore peu explorée : quelles sont leurs conséquences précises sur le long-terme ?

Quel est l’objectif principal de votre étude ? A quelles questions spécifiques cherchez-vous à répondre ?

Cette recherche s’inscrit dans un travail de thèse portant sur les effets à l’âge adulte de l’exposition aux séparations hautement conflictuelles et aux violences conjugales. Les données présentées sur le poster sont des résultats préliminaires qui répondent à deux questions centrales dans cette thèse. Nous nous intéressons d’abord au lien potentiel entre l’exposition à des conflits ou des violences parentales durant l’enfance, et la qualité des relations à autrui à l’âge adulte. Dans un deuxième temps, nous nous demandons si les comportements conflictuels ou violents d’un parent sont susceptibles de déborder sur son attitude vis-à-vis de son enfant.

Sur quelle théorie de l’attachement vous êtes-vous basé(e) pour concevoir votre recherche ? Pourquoi avoir choisi cette approche ?

Nous nous basons sur la perspective de l’attachement sous forme dimensionnelle (anxiété/évitement), qui s’oppose à la forme catégorielle avec ses quatre styles d’attachement. La conception dimensionnelle est la plus répandue dans la littérature aujourd’hui. En outre, nous mesurons l’attachement non comme une orientation générale, mais comme une tendance spécifique à chaque relation. Notre hypothèse est que l’attachement à l’un des parents peut être très différent de l’attachement à l’autre parent, aussi il est primordial d’évaluer les deux de manière différenciée

Pouvez-vous décrire la méthodologie utilisée dans votre étude (type d’échantillon, outils de mesure )?

L’échantillon est composé de jeunes adultes. Nous avons soumis les participants à un questionnaire en ligne, qui regroupe un ensemble d’outils de mesure.

Quel type de population avez-vous étudié (âge, sexe, etc.) ? Pourquoi ce choix ?

Notre recherche porte sur des personnes âgées de 18 à 25 ans, sans critère de sexe ou de genre. Cette fenêtre d’âge est courante dans les recherches sur les jeunes adultes.

Quelles variables avez-vous mesurées (styles d’attachement, expériences de vie, etc.) ?

Spécifiquement sont évalués les conflits interparentaux post-séparation ; les violences interparentales post-séparation ; la qualité des relations d’attachement aux parents, au partenaire amoureux et au meilleur ami à l’âge adulte ; et les comportements de soutien parental post-séparation.

Quels outils avez-vous utilisés pour mesurer l’attachement (questionnaires, observations, etc.) ?

Nous avons utilisé une traduction française de l’ECR-RS, validée en 2017 par Elise Chaperon et Stéphane Dandeneau. C’est un auto-questionnaire très utilisé au sein de la littérature, qui permet d’évaluer les dimensions d’attachement anxieux et évitant sur des relations spécifiques à l’âge adulte.

Comment avez-vous analysé vos données ? Quels types d’analyses statistiques avez-vous utilisés ?

A ce stade, nous avons simplement réalisé des analyses de corrélation.

Quels sont les principaux résultats de votre étude ?

D’une manière globale, plus les conflits et les violences entre les deux parents sont élevés, moins bonne est la relation de l’enfant à chacun de ses deux parents. Par ailleurs, il existe un lien entre dynamique interparentale et dynamique parent-enfant : plus les parents sont en conflit ou sont violents, et moins ils ont tendance à manifester des comportements de soutien vis-à-vis de leur enfant.

Y a-t-il des résultats qui vous ont particulièrement surpris ?

Nous ne nous attendions pas à ce que la violence perpétrée par l’un des parents ait un impact sur la qualité de la relation de l’enfant à son autre parent.

Comment interprétez-vous ces résultats au regard de la théorie de l’attachement ? Quels liens pouvez-vous établir avec d’autres études ?

La théorie de l’attachement présuppose que la qualité des relations d’attachement aux parents dépend de la sensibilité de ces derniers aux besoins de l’enfant. Or, les capacités parentales semblent dépendre directement de la relation interparentale et du coparenting. Si il y a de fortes tensions entre les parents, le niveau de stress induit les rend moins sensibles aux besoins de leur enfant. Les résultats préliminaires de l’étude vont dans ce sens.

 

Quelles sont les limites de votre étude ? Comment pourraient-elles être surmontées dans des recherches futures ?

Pour le moment, l’une des limites est la taille de son échantillon, que nous allons essayer d’élargir dans les prochains mois. De plus, une étude rétrospective à l’âge adulte produit des résultats moins solides qu’une étude longitudinale qui évalue l’attachement et le climat interparental régulièrement, sur une longue période de temps. Enfin, notre outil d’évaluation de la violence interparentale ne permet pas à ce stade d’identifier le type de violence conjugale à l’œuvre (coercitive et unilatérale ou non).

Au stade des résultats préliminaires, il est difficile de discuter des implications théoriques et pratiques de notre recherche. Cela sera possible lorsque le recueil de données sera terminé, et les analyses statistiques finalisées. Nous pouvons toutefois parler des enjeux : l’implication directe de l’enfant dans les dynamiques familiales dysfonctionnelles écarte la vision de l’enfant comme “témoin passif”. Dans les tribunaux de la famille, les séparations hautement conflictuelles et/ou violentes posent de nombreux problèmes, tant aux juges qu’aux travailleurs sociaux mobilisés. Le travail de thèse dans lequel s’inscrit cette recherche s’intéresse tout particulièrement à la place du maintien du lien avec un parent violent, sujet central dans les conflits sévères de séparation. Un regard scientifique sur les conséquences à l’âge adulte de ces événements de vie pourrait aider à la prise de décision des juges. Dans ce cadre, l’attachement fait office de variable centrale, puisqu’il influence le bien-être, la santé et les rapports sociaux tout au long de la vie.

Découvrez son poster